CHAGEY et GENECHIER
par Jean Hennequin

CHAGEY : Première mention en 1147, cette communauté possède déjà une église qui désigne Chagey en tant que chef lieu de paroisse. L'église est reconnue comme filiale de l'abbaye de Luxeuil qui y conserve le droit de collation (choix du curé).

GENECHIER : Les historiens passés affirment que cette communauté existait déjà vers la moitié du XIII° siècle. Ce village n'a pas de seigneur particulier et relève du Domaine direct des Comtes de Montbéliard.

Après pas mal de mouvances successives pour les deux communautés, dues aux querelles de succession des Comtes de Montbéliard et de Bourgogne, on arrive au milieu du XVI° siècle avec :
Chagey : composé de 4 fiefs, dont deux dépendent de la seigneurie de Granges et les deux autres de celle d'Héricourt. Genéchier : relevant de la seigneurie d'Héricourt. Ce village disparaît pendant la guerre de Trente ans et ses habitants se réfugient à Mandrevillars et Echenans-sous-Mont-Vaudois.

A la mise en place de la réforme en 1565 dans la seigneurie d'Héricourt, tous les sujets deviennent protestants. Pour Chagey et Luze, il s'en suit un procès entre la Bourgogne et Montbéliard, la première réclamant que ces deux communautés conservent la religion catholique. Il faudra attendre les premières années du XVII° siècle pour voir échouer cette prétention devant le Parlement de Grenoble.

Nous voici donc en 1620, année où débutent les registres paroissiaux, avec un village de Chagey entièrement protestant. Sur les registres sont ajoutées les deux communautés de Luze et de Couthenans, filiales de la paroisse-mère de Chagey. Depuis 1586, un complexe sidérurgique est installé à mi-chemin entre Chenebier et Chagey, connu sous le nom de Forge (ou Forges), mais en fait renfermant 3 établissements distincts. La première, une Forge proprement dite (avec 3 affineries) qui sera construite en aval du grand étang de retenue d'eau (avec un réseau de 40 étangs en amont), énergie motrice pour mouvoir les installations. (Attention, cet étang situé sur la rivière "Lizaine" était beaucoup plus grand que celui d'aujourd'hui, environ 8 ha, contre à peine un ha maintenant). Le second établissement était un Haut-Fourneau qui semble-t-il a changé de place au cours des années. Son dernier emplacement connu était installé dans le quartier actuel du "Fourneau", situé en face du village, rive droite de la Lizaine. Le troisième établissement était une Renardière, dont l'activité était le recyclage des vieux fers. Plus tardif que les deux premiers établissement, elle était située à environ 500 mètres en aval de la Forge. Son emplacement est peu visible actuellement. Nous pensons qu'il y a des chances pour que cette Renardière ait supplanté le premier site du Haut-Fourneau, avant le déplacement de ce dernier vers le village de Chagey.

Les Forges de Chagey vont bien évidemment drainer des populations très différentes autour de cette activité. Toutes les communautés protestantes proche contiennent un contingent de personnes travaillant au Forges. Le village de Frédéric-Fontaine a notamment été érigé (en 1588, soit 2 ans après la construction des Forges de Chagey) spécialement pour réunir une main d'oeuvre pour les Forges de Chagey. Les population des villages catholiques du secteur sont également embauchées (particulièrement Courmont et Lomont) dans les activités liées au bois (coupeurs, charbonniers, transporteurs de charbon de bois). Dès la fin du XVII°, des familles catholiques de coupeurs et charbonniers s'installent dans les bois qui entourent Chagey. Ses familles catholiques, sans paroisse clairement définie, se retrouvent indifféremment dans les actes des paroisses des alentours (Lomont, Tavey, Héricourt, Buc, Chalonvillars et Frahier).

En 1704 est refondé le village de Genéchier, dont le domaine est donné par le Duc Léopold-Eberhard, Comte de Montbéliard, à son bras droit, Président du Conseil de Régence, Léonard de Nardin, Bailli de la seigneurie d'Héricourt. 9 familles protestantes (dont une majorité de Suisse) s'y installent. Ce fief est déclaré directement mouvant de la Principauté de Montbéliard (donc non ré-incorporé à la seigneurie d'Héricourt). Ses habitants totalement protestants sont automatiquement incorporés à la paroisse de Chagey. Plusieurs d'entre eux travaillent aux Forges de Chagey bien évidemment.

A partir de la mort de Léopold Eberhard en 1723, tout va se compliquer. Celui-ci n'ayant pas de successeur légitime, la France (déjà présente depuis la fin du XVII° siècle avec quelques incursions avec armes dans la Principauté de Montbéliard, et dans la seigneurie d'Héricourt en particulier) en profite pour mettre le Séquestre sur tous les revenus des Quatre Seigneuries de Clémont, Blamont, Châtelot et Héricourt. Le remplacement des fonctionnaires protestants par des catholiques s'intensifie (déjà impulsé depuis les invasions de la fin du XVII° siècle). Un maire catholique, Pierre Verchot, est déjà installé à Chagey depuis 1717. Il côtoie le maire déjà en place depuis 1708, Thiébaud DORMOY. Nous pensons que Thiébaud DORMOY représentait Montbéliard et que Pierre Verchot représentait la Franche-Comté. Pierre Verchot reste maire jusqu'à sa mort en 1733, remplacé par son fils François (ou plutôt Jean François) Verchot ; Thiébaud Dormoy assure encore ses fonctions en 1727, mais plus en 1730. Il y a fort à penser que l'administration française n'a plus permi la coexistance de deux maires. Le nouveau directeur de la Forge de Chagey, quant à lui, fait installer dans son petit château une chapelle pour les ouvriers catholiques du lieu.

Parallèlement à cela, Léonard de Nardin, supplétif zélé de Léopold Eberhard, mis aux arrêts en tant que Président du Gouvernement de Montbéliard, s'évade et abjure la religion protestante. Devenu catholique, il se retire dans son fief de Genéchier, dont les habitants, en majorité, deviennent à leur tour catholiques. La population catholique de Genéchier, sous l'impulsion de son seigneur, se tourne vers la paroisse catholique de Chalonvillars.

En novembre 1739, la pasteur de Chagey, Samuel Méquillet, meurt. L'administration Franc-Comtoise, obéissant ainsi aux directives de Louis XV, veut placer dans ce village, un curé. C'est chose faite le 27 août 1740 (plus grand événement des guerres de religion dans la Principauté de Montbéliard, avec 5 morts sur coup et certainement plusieurs autres à la suite de leurs blessures).

Dès lors, les protestants de Chagey et Genéchier, avec ceux de Luze, se rendent au temple de Couthenans qui devient paroisse-mère, et y enterrent leurs défunts. Le curé de Chagey, Claude-Louis Briot, essaie de se constituer une paroisse en regroupant tous les catholiques de la Forge de Chagey, les deux familles installées au village de Chagey (celles du maire et de l'instituteur) et celles de Genéchier, auxquelles viendront se rajouter plus tard celles du village de Mandrevillars. Les familles catholiques de Genéchier, sous l'influence de leur Seigneur Léonard de Nardin refusent de faire partie de la paroisse de Chagey, et continuent pour encore une année à se rendre à Chalonvillars. Léonard de Nardin meurt en 1741 et est enterré dans l'église de Chalonvillars. Les catholiques de Genéchier changent alors de paroisse et se dirigent vers Chagey. Les enfants de Léonard de Nardin se réconcillient avec le curé Claude-Louis Briot en donnant des prés à la fabrique.

Il faudra attendre la Révolution (après la Terreur) pour revoir pendant quelques mois seulement des offices protestants dans l'église de Chagey. Un Simultaneum s'opère alors. Le manque de curés et de pasteurs à demeure empêche une règlementation précise pour les offices.

En décembre 1808, Napoléon 1er rattache Genéchier à Chagey. Les registres d'état civil de Genéchier cessent en 1809.

Ce n'est qu'au cours du XIX° siècle (à partir de 1848), avec la desserte d'un curé et d'un pasteur bien définis, que l'église est commune aux deux cultes, dont les offices sont règlementés avec rigueur. La paroisse protestante de Chagey n'est constituée que de ce village ; la paroisse catholique est constituée des communautés de Chagey, Mandrevillars et Luze. A partir de cette époque, de gros heurts éclatent pendant des années. Il faudra attendre 1898 pour voir s'élever un second édifice cultuel dans lequel les catholiques entreront en 1901. Echenans-sous-Mont-Vaudois rejoindra ensuite la paroisse protestante de Chagey. La paroisse catholique de Chagey accueillera encore d'autres catholiques des environs (notamment ceux de Couthenans, Champey).

Dans le cimetière qui se trouvait à l'origine autour du temple, les sépultures protestantes ont lieu de nouveau au cours de la période révolutionnaire (ils avaient tout d'abord, quelques années plus tôt, aménagé leur propre cimetière à une centaine de mètres). En 1855, à la suite des ordonnances répétées (déjà pendant la Révolution) en faveur de la salubrité publique, et surtout à la suite de l'épisode récent de l'épidémie de choléra (1854), un nouveau cimetière est érigé à l'extérieur du village, en direction de Chenebier. Son caractère entièrement laïc est toutefois tenu en échec lorsque l'on étudie l'implantation des stèles : une allée centrale délimite les deux confessions. Protestants au sud, Catholiques au nord.

texte et photos Jean HENNEQUIN